Gainsb’Art, une réunion de portraits pop en diable avec la participation de Lord Anthony Cahn – L’Express
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On le sait, le regretté Serge Gainsbourg voua un culte exclusif à la déesse peinture avant de raccrocher les pinceaux et de devenir le génial touche-à-tout de la chanson française qui, plus de trente ans après sa disparition, continue d’enchanter les jeunes générations. Aujourd’hui, ce sont les artistes qui lui rendent hommage. Peintres, sculpteurs, plasticiens, designers ou acteurs de l’art urbain, ils sont 24 à lui tirer le portrait sur les cimaises de Yoxeone Art Gallery, à la fois boutique de luxe et lieu de création ouvert par Sélim Gouaned, rue de la Sourdière, au coeur de Paris, dans l’esprit de la Factory d’Andy Warhol.
L’aventure – car ça en est une ! – a été initiée par Roberto Battistini, ce photographe qui réalisa, à l’automne 1985, des portraits détournés du chanteur, dont celui, resté dans la mémoire collective, de Gainsbourg en Dali, yeux écarquillés et moustaches levées au ciel. Les autres – Gainsbourg gitane au bec ou encore coiffé d’un béret..-, n’en sont pas moins emblématiques. C’est en partant de ces portraits que Battistini a demandé à des artistes confirmés d’y inscrire leur propre univers et regard sur le dandy de la pop. Sous l’intitulé Gainsb’Art, le projet s’est étoffé au fur et à mesure que les créateurs internationaux, issus de toutes générations, de tous pays et de tous univers, l’ont rejoint.
La porte de Yoxeone Art Gallery pas encore franchie, ce sont les variations du Parisien Lord Anthony Cahn autour de la Rue de Verneuil que l’on découvre à travers la vitrine. Reconnu pour son travail sur les « murs » qu’il sculpte à différentes échelles, le plasticien s’est attaché, comme à son habitude, à capter l’esprit d’un lieu emblématique, celui ici de la demeure parisienne de Serge Gainsbourg où devrait prochainement ouvrir la maison-musée consacrée au chanteur.
Créé à partir de matériaux de construction recouverts d’affiches et de graffitis colorés, évocateurs des portraits de Battistini, le « mur » se révèle tout autrement sur sa façade intérieure, peinte en noir, à l’instar du code couleur radical adopté par l’homme à la tête de chou chez lui. L’oeuvre double-face regorge de détails, parfois miniatures, qui s’appréhendent au-delà du premier coup d’oeil. Cerise sur le gâteau : les acquéreurs du « mur », comme de tous les autres, se voient gratifier d’un acte de propriété en bonne et due forme. (Précisons que ce mur de la Rue de Verneuil est en en vente à hauteur de 17000 euros).
Parmi les autres plasticiens qui ont joué le jeu, l’Allemand Peter Klasen, cofondateur de la figuration narrative, s’approprie le fameux Gainsbourg en Dali en le parsemant d’évocations graphiques des provocs du grand Serge, dont l’inoubliable billet de 500 francs brûlé au zippo lors d’un journal télévisé. Plus loin, le Marseillais SkunkDog, fidèle à sa signature artistique, mêle textes, signes, matières et palette chromatique éclatante, tandis que Juan Le Parc incarne magistralement un Serge chauve, L’Homme à la tête de fou du chocolat Lanvin. Tout aussi saisissants sont l’émouvant le Je t’aime et je crains de m’égarer tissés au fil rouge par la tricoteuse hors pair Anna Kache, le Cargo Culte de Stéphane Pencréac’h, et les assemblages riches en symbolique d’Eric Liot. Sans compter l’autoportrait d’Orlan s’hybridant, plutôt joyeusement, avec Gainsbourg et Dali.
Tout hommage à Serge Gainsbourg est bon à prendre. L’Hexagone en sait quelque chose, qui a successivement accueilli l’évènement Gainsb’Art dans les galeries Bettina, BOA, Keza et W, à Paris, Art to Be Gallery à Lille, puis celle de David Pluskwa, à Marseille, avant d’accueillir, l’été dernier, des dizaines de milliers de visiteurs à la chapelle Sainte-Anne de La Baule. L’ouverture, tant attendue, de la Maison Gainsbourg sera sans doute la prochaine étape XXL de cet hommage intemporel au ciseleur de la chanson française qu’on n’en finit plus de célébrer.